NICOLAS FROPO DE HABART – Peintre

(…) “Fragile comme un enfant, fort comme un dieu ! Tel est le paradoxe de l’artiste qui oscille entre crainte d’être découvert et désir d’être reconnu…Laisser voir ce que lui-même a peut-être entrevu dans une sorte de fulgurance, au creux du labeur quotidien, lorsque le geste perd toute assurance. Découvrir cet infini qui surgit de la grisaille de l’existence, aimer la lumière qui ruisselle d’un corps malmené par les vents, s’exposer au regard d’autrui au sortir de l’atelier. Accepter enfin la parole sur l’œuvre qui hésite entre aveu et distanciation.
Loin d’être totalement défigurés, comme anéantis, ces hommes ne nous toucheraient-ils pas parce qu’ils nous ressemblent, ou même, parce que nous leur ressemblons ?”
Nicolas Fropo de Habart
Né en 1962, l’artiste vit et travaille à Nîmes ( France)
Il a cette allure que je lui connais tant, énigmatique, comme étranger à lui-même.
Je me souviens…
Il avait souvent l’air ailleurs, le regard perdu, hagard parfois, se protégeant, je le sais désormais, d’une douleur lancinante qui aura bien tenté de l’anéantir. Mais lui s’y refusait. Il regarde au loin, au-delà de mon épaule. Au coin des yeux, ces légères rides qui sont la mémoire des rires anciens, de l’émotion contenue parce qu’il le faut bien !
Une trace s’écoule lentement depuis la tempe, le rouge de Venise se perdant dans un creux d’ombre…
A peine entr’ouverte, sa bouche semble articuler un mot, quelques mots peut-être, mais nul ne peut les entendre.
Le silence,un cri…
Une peur animale déforme une partie de son visage, la tuméfie tandis que, sur l’autre, à demie effacée, se lit l’apaisement qui est l’ébauche de la joie à nouveau promise.
Le corps que l’on devine dans la pénombre, paraît désarticulé et pourtant unifié, terre altérée aux blessures profondes, paysage dévasté que traverse la longue plainte du désir, à l’infini…
Il pourrait s’affaisser tout doucement ce corps, se recroqueviller sous la violence des coups, de leur souvenir, qui s’en préoccuperait ?
Mais du plus intime de cet être déchiré, calciné, surgit la lumière, cette clarté qui m’étonne et me bouleverse aux larmes…
Je regarde ma main gauche, elle tremble encore…
Irrémédiablement tâchée, elle s’approche de lui, de sa tête projetée en arrière, hésite… puis je l’éloigne comme pour la cacher, cette main de gaucher abîmée de gris de Payne et d’ombre brûlée.
Nicolas Fropo de Habart septembre 2012
CRITIQUES
“Nicolas Fropo de Habart est l’ainé d’une fratrie de six enfants. A Chartres, où la famille habite quelques années, il avait 5-6 ans, il est fasciné par les vitraux, se promettant à lui-même « je veux faire quelque chose comme cela ».
A 9 ans il réalise sa première aquarelle et dans ses moments de tranquillité, il tourne les pages d’une belle bible de la bibliothèque de son père, non pour découvrir les Ecritures mais pour regarder les reproductions de peintures anciennes : Giotto, Fran Angelico, Dürer, Rembrandt, Gauguin… Sensible aux expressions des visages, il est bouleversé par l’oeuvre de Jérôme Bosch « Le portement de croix »
A 11 ans, il offre à sa mère un chemin de Croix dont les 14 stations sont dessinées à l’encre sur de petits cartons, tandis que son grand père paternel l’emmène à plusieurs reprises au Louvre. En lui s’installe la certitude de devenir artiste « Je veux être peintre ou écrivain ».
Alors qu’il n’a pas trente ans, c’est l’accident : il est grièvement brûlé. Une année d’hôpital, de terribles souffrances, de solitude, entouré par d’autres corps douloureux, meurtris, et quand la mort ne les emporte pas, il y a une formidable envie de vivre chez tous ces patients.
Les artistes qu’il regarde avec grande émotion et chez lesquels il se retrouve en raison de leur thématique et le sens qu’ils donnent à leur art sont Greco, Goya, Rembrandt, Giacometti et Zoran Music.
Tous les artistes cités par Nicolas Fropo de Habart, sont à la recherche de la traduction du drame humain. Ils sont touchés par la fragilité de l’homme, par les blessures propres à la vie, eux-mêmes souffrent dans leur chair, dans leur mental et pourtant tous, ils ont continué à vivre.
Que veut-il dire à travers son oeuvre, que comprenons-nous ?
Ses toiles représentant des silhouettes masculines, seule ou par groupe. Aucun indice, aucun détail ne nous permettent de savoir où elles se trouvent, où elles vont. Pas d’histoire racontée et pourtant… Sur une toile, le plus souvent de belles dimensions, il commence toujours par la tête. Pas de dessin préparatoire. Quand il prend son pinceau, dans son mental, son imaginaire il a pensé sa toile, il possède l’attitude de son personnage même si au cours de l’élaboration, il y a des repentirs. Un bras est déplacé, une tête est tournée, une main apparaît.
Il travail sans modèle, ni photo ou très rarement. Après le visage, il peint le corps et donne de l’intensité à la couleur, lumière, sombre, clarté, nuit, revenant, retravaillant ces différentes intensités. La toile de grande dimension l’aide à mieux respecter les proportions et lui apporte une sorte de combat physique avec la toile, la gestuelle faisant partie de son processus de création. Il travaille vite, intensément, il peut s’arrêter en cours d’élaboration à condition que le chemin soit possible. Proportions ? Les siennes qu’il veut donner. La carrure est large, le coup long, la tête aux traits à moitié effacés. Il aime ces cous longs à la manière de Modigliani ou du Greco. Pour lui, c’est le symbole de la fragilité, tandis que les mains sont de grosses mains noueuses qui symbolisent la force. Ces mains nous en disent autant que les visages. La main « parle » par son silence même, la main écoute, la main est attentive au murmure d’une confidence qui veut qu’on s’attarde. Opposition entre fragilité et force ou plutôt, complémentarité : l’homme est blessé et en même temps il se redresse ou va se redresser, il est douloureux mais va se relever.
C’est le même et plusieurs, ensemble, ils composent l’humanité. Ils sont jeunes et seuls. Regroupés certes sur la toile mais en vérité seuls, chacun dans l’expression de son drame intérieur, dans ce regard qu’il porte sur nous, ou sur eux-mêmes. Ils ne parlent pas entre eux et c’est le paradoxe de l’individu : il est isolé alors qu’il est fait pour vivre en société.
Certains crient à s’en déformer la bouche, d’autres parlent. Les corps, comme les visages, sont striés de coup de lumière, de griffures, de trainées de rouge. Tout exprime la souffrance. « « Je peins dit-il, le peu de vie ou le trop plein de vie de quelqu’un qui souffre». « S’il crie, c’est qu’il est encore en vie. Si je l’entends crier, c’est qu’il est encore en vie » explique –t-il. Car cet homme douloureux se redressera, se relèvera. L’artiste l’explique : Malgré la souffrance, l’errance, le deuil, l’homme est là, il est vivant ». S’il se redresse, c’est qu’il porte en lui une espérance et cette espérance ne vient-elle pas d’une lumière intérieure qui est de l’ordre du divin ? Cette lumière plastiquement est traduite par les rehauts de blanc .
Devant de telles oeuvres le regardeur peut avoir un sentiment de passion, de compassion ou d’horreur mais qu’il sache que pour le peintre si la place de Dieu n’est pas dans la peinture, elle est dans la possibilité, lui l’artiste, qu’il a de peindre. Le seul créateur est Dieu mais que l’homme soit créateur, c’est la trace vivante de Dieu en lui.”
Hélène Deronne
LIENS
Site internet – http://www.fropo-de-habart.com
Page Facebook – http://www.facebook.com/fropodehabart
VOIR LA VIDEO PORTRAIT D’ARTISTE DE NICOLAS FROPO DE HABART
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